La monogamie est-elle naturelle ?

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Eugene
Cocu de garde
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La monogamie est-elle naturelle ?

Message par Eugene »

Polygynes, polyandres, monogames…, tous les couples sont dans la nature. Comment expliquer ces variétés d’association entre mâles et femelles ? Peut-on en tirer des conclusions pour l’espèce humaine ?

La monogamie est-elle le propre de l’homme ? Cette question fait l’objet depuis déjà longtemps de grandes discussions dans lesquelles se croisent plusieurs courants de pensée. Certains évolutionnistes soutiennent que vivre en couple constitue un avantage adaptatif pour l’être humain. Ils s’opposent à ceux qui ne voient dans la monogamie qu’un construit culturel nous condamnant à un inutile conflit avec nos prédispositions biologiques…

La monogamie, un avantage adaptatif ?

Il est certain que dans la nature, le régime le plus fréquent est la polygynie, c’est-à-dire l’association d’un seul mâle avec plusieurs femelles. Depuis les années 1960, les tenants de l’écologie comportementale analysent l’organisation sociale de la reproduction en partant de l’asymétrie fondamentale entre le potentiel reproducteur des mâles et celui des femelles. Du fait qu’un seul spermatozoïde est nécessaire pour féconder un ovule, chaque mâle est a priori capable de féconder un grand nombre de femelles. À l’inverse, une femelle ne gagne rien à multiplier les partenaires sexuels puisqu’un seul et unique mâle peut suffire à fertiliser les ovules qu’elle produit à chaque épisode de reproduction.

Comment expliquer cependant que la monogamie soit présente, certes en moindre proportion, chez une large gamme d’espèces, des invertébrés aux vertébrés ? Chez les termites par exemple, les colonies sont fondées par un unique couple de reproducteurs. Pourquoi la polygynie ne constitue-t-elle pas le seul modèle d’association ? En fait, chez plusieurs espèces, les mâles sont assujettis à la monogamie pour des raisons d’ordre économique, les ressources essentielles à la survie n’étant pas réparties de façon à permettre le regroupement des femelles. Lorsque les ressources sont rares dans l’environnement, les femelles sont conduites à se disperser pour pouvoir les exploiter. Il devient alors impossible pour un mâle de contrôler, face à ses rivaux, un espace suffisamment riche en ressources pour accueillir l’ensemble des femelles et les progénitures à venir. Les mâles ne peuvent donc être polygynes que si les conditions environnementales l’autorisent. D’autre part, certaines contraintes anatomiques peuvent canaliser la monogamie au cours de l’évolution. C’est ainsi que 95 % des oiseaux sont socialement monogames, contre environ 5 % des mammifères. Cette différence s’explique facilement : chez les mammifères, la gestation dans le ventre de la mère et l’allaitement allègent les mâles de leur contribution aux soins parentaux. Pour les oiseaux, il en est tout autrement : si le mâle ne participe pas à l’incubation des œufs, il y a toutes les chances pour que la couvée échoue, par exemple lorsque la femelle devra l’abandonner pour aller se nourrir. C’est le succès de la reproduction qui est alors en jeu.

Tous les couples sont dans la nature. Il existe des associations polygynes ou monogames, comme il existe différents types de monogamie : monogamie avec soins des parents envers les petits ou non, monogamie avec fidélité ou infidélité… L’association entre monogamie et soins des deux parents, tout en étant un grand classique, particulièrement chez les oiseaux, ne s’érige pas en règle absolue, loin s’en faut. Certaines espèces pratiquent une véritable monogamie sans autant délivrer de soins à leur progéniture. C’est par exemple le cas de certains poissons dont les jeunes, nés sous la forme de larves planctoniques, sont autonomes dès la naissance. Dans certains cas, la monogamie peut même s’accompagner d’une prise en charge totale des soins par les mâles. Ce cas s’observe chez l’hippocampe qui n’est pas sans poser question chez les biologistes, tant il illustre un cas paradoxal du point de vue évolutif.

Le paradoxe de l’hippocampe

Chez ce petit animal marin, seuls les mâles sont amenés à connaître les joies de la grossesse car pourvus d’une poche incubatrice interne, située sur la face ventrale, dans laquelle la femelle dépose les œufs fécondés lors de l’accouplement ; celle-ci se retrouve donc dispensée de tout soin parental. Le père se charge seul de la protection des embryons et les nourrit. Ainsi, la gestation est-elle entièrement assurée par les mâles. Mais cela ne signifie pas pour autant que les mâles perdent leurs caractéristiques masculines : la compétition entre eux est intense pour être « mis enceint » par une femelle. Une autre particularité des hippocampes est la fidélité quasi indéfectible qu’ils témoignent à leur partenaire : chaque femelle ne confie ses œufs qu’à un seul mâle qui en retour n’accepte de ponte d’aucune autre femelle. Cette fidélité est entretenue au quotidien par des cérémonies : le mâle et la femelle échangent des révérences chaque matin avant de se séparer pour le reste de la journée et de vaquer à leurs occupations respectives. Quand la distance qui les sépare dans l’eau est inférieure à une cinquantaine de centimètres, on observe qu’ils accélèrent soudainement leur nage pour se réunir, comme « impatients » d’être ensemble.

Mais la stabilité des couples ne constitue qu’une dimension de la monogamie, susceptible de varier largement d’une espèce à l’autre. La monogamie, dans le monde animal, n’implique pas une relation au long cours. Si l’albatros hurleur, qui vit plus de cinquante ans, conserve le même partenaire d’année en année, le flamant rose, qui vit tout aussi vieux, « divorce » systématiquement chaque année. Cette différence radicale s’explique par un ensemble de caractéristiques écologiques propres à chaque espèce.

Enfin, la monogamie sociale n’implique pas la monogamie sexuelle ! C’est l’une des découvertes majeures de l’écologie comportementale, rendue possible grâce au progrès des analyses génétiques. Chez les passereaux monogames, dans 10 % à 70 % des cas selon les espèces, le père biologique des poussins n’est pas celui qui occupe le nid ! On ne finit plus de compter les espèces socialement monogames chez lesquelles les femelles copulent avec d’autres mâles que leur partenaire social, ce dernier étant régulièrement conduit à élever par la suite des jeunes qu’il n’a pas engendrés…

À la recherche d’une monogamie humaine…

La monogamie animale peut-elle être un élément de référence pour justifier ou invoquer la monogamie humaine ? Le questionnement à propos des origines naturelles de la monogamie chez l’homme n’est pas nouveau. Au xixe siècle, Rémy de Gourmont doutait de trouver une espèce animale se conformant à la monogamie idéale, pour justifier la monogamie des humains : « Il n’y a d’animaux monogames que ceux faisant une seule fois l’amour dans leur vie. (…) Il y a des monogamies de fait ; il n’y en a pas de nécessaires, dès que l’existence de l’animal est assez longue pour lui permettre de se reproduire plusieurs fois », n’hésitait pas à affirmer l’écrivain. La question de la monogamie chez les animaux est tangible dès le siècle des Lumières. Il s’agit de justifier par la « nature » le modèle de conjugalité des humains imposé jusqu’ici par l’Église. Au xviiie siècle, le naturaliste Buffon vantait les mérites de l’union monogame chez les oiseaux en qui il reconnaissait « plus de tendresse, plus d’attachement, plus de morale en amour » que chez la majorité des quadrupèdes.

Peut-on chercher des raisons « naturelles » à la monogamie humaine, capables de trancher le débat d’un Homme naturellement monogame ou pas ? Tout ce qui précède contribue à établir que la monogamie animale ne découle pas nécessairement d’un déterminisme naturel. Elle peut être le fruit d’une adaptation d’ordre économique. En conséquence, toute référence à un caractère naturel ou pas de la monogamie humaine semble une démarche peu pertinente. Par ailleurs, la plupart des espèces de singes proches de l’homme ne sont pas monogames.

L’absence d’une référence « naturelle » nous interdit-elle pour autant de développer une analyse scientifique de la monogamie humaine ? Certainement pas, à condition de ne pas tomber dans la caricature de l’homme volage et de la femme chaste. Les psychologues évolutionnistes avancent des enquêtes censées révéler l’invariance du tempérament de chaque sexe au travers du temps et des cultures. C’est ainsi que la consommation de matériel pornographique bien inférieure chez les femmes que chez les hommes, quel que soit le pays considéré, est brandie comme une preuve irréfutable que la sélection naturelle a façonné les filles pour être foncièrement monogames, alors que les hommes sont essentiellement polygynes. Triste argumentation qui feint d’ignorer que la sexualité hédoniste des humains s’est depuis longtemps affranchie de toute finalité reproductive, et oublie de mentionner que l’attrait des femmes pour la pornographie (généralement élaborée à l’intention des hommes) varie largement dans l’espace et dans le temps, en relation directe avec le degré d’émancipation sociale des femmes. À la vision d’une espèce humaine génétiquement engoncée dans des rigidités, il convient de substituer la réalité d’une plasticité du système nerveux humain qui autorise un très large ajustement des conduites et des états mentaux aux variations de l’environnement.

L’identité sexuelle de l’Homme se construit dans un référentiel culturel et économique. En quelques années, les femmes norvégiennes prenaient leur indépendance économique, dans le même temps, elles devenaient plus proches des hommes dans leur comportement sexuel et leur jugement sur la sexualité. Par ailleurs, l’éducation a un impact significatif sur le comportement sexuel des individus. Une enquête réalisée au milieu des années 1970 aux États-Unis a montré que plus les garçons et plus encore les filles avaient reçu un niveau d’éducation élevé plus ils commençaient tardivement leur sexualité. La question de savoir si l’espèce humaine est monogame ou polygyne ne se pose ainsi pas en des termes naturalistes. À ce titre, l’amélioration, plus ou moins constante, de la condition économique des femmes au sein des sociétés occidentales les rend irrémédiablement autonomes. Elle en fait, à part égale avec les hommes, les acteurs de la vie en couple. Déculpabilisées vis-à-vis du plaisir sexuel, elles se révèlent autant capables que les hommes de privilégier la fidélité ou la diversité dans les rapports amoureux. Ce qui installe progressivement l’espèce humaine dans une monogamie sérielle, ponctuée d’unions et de séparations initiées équitablement par chaque sexe, sorte de compromis entre l’avantage économique d’une vie à deux et la tentation, plus ou moins forte selon les individus, d’exacerber son plaisir dans la nouveauté…

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Those who talk behind my back, my ass contemplates
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Sans Prétention
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Enregistré le : jeu. 5 mars 2015 19:32

Re: La monogamie est-elle naturelle ?

Message par Sans Prétention »

Le science a tranché : tout est question de CHOIX. :deal:
Il existe pour chaque problème complexe une solution simple, directe et fausse (H.L. Mencken)
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