L'infidélité féminine

Quel comportement adopter face à l’adultère, comment réagir? Beaucoup de questions, quelques débuts de réponses. Ne pas poster de témoignage dans cette rubrique.

Modérateur : Eugene

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Eugene
Cocu de garde
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L'infidélité féminine

Message par Eugene »

La dernière conquête des femmes : le droit à l’adultère

L’égalité des sexes ? Pas seulement une affaire de feuilles de paie. Une autre discrimination nous était léguée par l’histoire : l’inégalité juridique devant l’adultère. Toléré pour les hommes, prohibé pour leurs dames. Or, depuis la loi de 1975, les femmes comblent leur retard. Vive la parité ! Déjà elles trompent leur moitié comme les hommes l’ont toujours fait, et avec des arguments rigoureusement identiques. Non plus seulement par dépit ou par désir de vengeance, mais tout simplement par plaisir. Et un peu par calcul. Parce que, disent-elles, elles aiment leur mari et que l’incartade est le plus sûr moyen de préserver leur mariage...

Oubliez Labiche et les comédies de boulevard, oubliez Madame Bovary et ses états d'âme, oubliez les deux ou trois choses que vous saviez d'elle. Tout a changé. L'infidélité féminine n'est plus ce qu'elle était. Ecoutez, regardez autour de vous : les confidences que se font les femmes entre elles, les romans écrits par des femmes, la presse destinée aux femmes, les films des nouvelles « metteuses en scène »... La cause est entendue ! Elle se résume en une phrase : les femmes pratiquent aujourd'hui l'adultère comme les hommes l'ont toujours fait, allègrement et sans trop de mauvaise conscience. De quoi dérouter les maris et les amants qui ne savent plus très bien quel emploi leur est assigné dans cette nouvelle pièce, où les rôles semblent brusquement inversés. Qui mène la danse ? Dans les nouveaux rapports amoureux, qui choisit, qui décide de draguer, de tromper ou non, de rompre ou pas ? Clairement, ce sont les femmes.

Pour le prouver, on ne peut se fier vraiment ni aux chiffres ni aux apparences. Depuis vingt ans, les sondeurs qui posent la question incontournable « Vous est-il arrivé d'être infidèle ? » obtiennent à peu près les mêmes réponses. 8 à 10% de femmes répondent oui, contre 22 à 25% des hommes. Il y a là un mystère arithmétique jamais éclairci - sauf à supposer que les femmes, prudentes, s'en tiennent au conseil de leurs mères (« N'avoue jamais ») et que les hommes, autre vieux réflexe, aient tendance à majorer leurs performances.

Il faut donc aller voir sur place. Parler aux femmes, les écouter. Christine, Isabelle, Nathalie, Claire, Madeleine, Emmanuelle et les autres... Elles sont brunes ou blondes, marrantes ou discrètes, elles sont une vingtaine, elles ont entre 30 et 50 ans - le bel âge ! -, elles vivent en couple, mariées ou pas, et le sujet les intéresse. Nous les avons réunies, certaines à Rouen, d'autres à Paris, pour de longues heures de discus- sions, de confidences et de récits qui finissaient souvent par des fous rires. Sur le sexe, l'amour, les amants, les maris, elles s'en donnent à coeur joie.

Première constatation : l'infidélité n'est plus un sujet tabou. Ni un sujet qui fâche. Une blonde, chemisier rose, sur un ton scandalisé : « Autrefois la femme infidèle était chassée du village, alors qu'on excusait toujours les hommes. » Aujourd'hui tout le monde est d'accord : pas question de condamner. Que celle qui n'a jamais péché jette la première pierre ! D'ailleurs qui se souvient encore du bon vieux « péché d'adultère » qu'on murmurait dans les confessionnaux ? Seulement 2% des femmes y pensent . 24% y voient plutôt une trahison envers son conjoint (les plus jeunes, plus naïves ou plus amoureuses, sont évidemment les plus intransigeantes) ; mais 71% refusent de juger un tant soit peu la femme adultère.

Donc on en discute. Sans complexes. Plutôt gaiement. Au passage : comment parle-t-on des hommes entre femmes ? Facilement ? Crûment ? Techniquement ? « On parle plus de sentiment que de technique. - Non, moi je peux dire par exemple d'un type que c'est un bon coup... - Petite voix au fond : ...Ou : il est bien monté. - ...Mais mes copines diront plutôt : il fait bien l'amour. - Contestation sur la gauche : On dit ça s'il s'agit d'un amant. S'il s'agit d'un mari, on n'en parle pas, ce n'est pas la peine. - Sa voisine : On compare, c'est normal. - On se donne des conseils entre filles. - Une autre : Moi, j'adore les fesses des mecs. Je les regarde, mais je ne couche pas forcément avec eux pour ça. » Rire général. Bien. Cernons le sujet : pourquoi une femme est-elle amenée à tromper son compagnon ? Qu'est-ce qui la pousse à choisir ce qui reste considéré malgré tout comme une trahison et qui comporte un risque de rupture ?

Léger flottement. Les réponses qui fusent tournent autour de trois thèmes : d'abord l'ennui, la routine, l'usure, la mésentente dans le couple. Mésentente sexuelle ? Parfois, pas toujours. Bien sûr, le mari manque parfois d'imagination. Mais, pire que tout, « le soir, il fait ses mots croisés ». Ou alors il traîne devant la télé. Il se cure les dents, se fourrage dans le nez, grossit, ronfle, se laisse aller. Ne fait plus d'efforts de séduction (« Nous, on continue à vouloir leur plaire, eux, pas »). Pas de fleurs, de cadeaux imprévus. Le quotidien, quoi. « Le couple, dit Alexia, c'est un immeuble qui se construit. » Un boulot à deux, en somme. Cette Parisienne y voit plutôt « une feuille qui se décroche sous l'effet du vent ». Bref, quelque chose manque à l'édifice. L'imprévu. L'émotion. Le coeur qui bat. L'amant ?

Le deuxième thème est plus précis : on trompe un homme pour se venger de son infidélité réelle ou - parfois - supposée. Là l'imagination se déchaîne. « Pendant longtemps, j'étais complètement naïve, dit Mona, esthéticienne, 40 ans. Je vivais dans un monde où l'infidélité n'existait pas. J'aimais mon homme, je n'aurais jamais pensé le tromper. Et puis un jour je l'ai surpris dans la rue avec une autre. J'ai d'abord pleuré comme une folle, ensuite j'ai fait ma valise et je suis partie. Aujourd'hui j'ai quelqu'un d'autre. C'est un homme que j'aime mais avec lequel je ne dors jamais, avec lequel je ne pars jamais en vacances : il est marié. Au moins quand il me trompe, je sais avec qui ! Tous les ans, à la date anniversaire de notre rencontre, je demande un cadeau de fidélité. Bien sûr, je plains sa femme... » Autre suggestion : « Pourquoi ne pas le tromper avec un de nos ex dont il était jaloux ou avec un type mieux que lui, son supérieur hiérarchique par exemple ? A condition qu'il le sache, bien sûr...

Quand on a éliminé la mésentente conjugale (citée par 60% des femmes), l'ennui (cité par 38%) et la vengeance (citée par 47%), que reste-t-il ? Beaucoup de choses plus agréables : l'amour coup de foudre, cité en majorité (50%) par les femmes cadres vivant maritalement. « Cela m'est tombé dessus brusquement. Je l'ai rencontré dans un déjeuner. Je me suis dit : zut, je me suis trompée. C'est lui, l'homme de ma vie. » « Celles-là sont déterminées, dit Violette Gorny, avocate spécialisée dans les divorces. Elles déclarent bille en tête : “J'aime un autre homme. Je veux quitter mon mari.” Et même la présence d'enfants ne les fait pas changer de projet. » D'une manière moins dramatique, on cherche aussi le plaisir sexuel, revendiqué comme un droit. « Je m'éclate. Pourquoi pas ? » « Aujourd'hui on a le droit de choisir un homme. » « Mon compagnon est un type en or mais il est nul au lit, alors... » Elles veulent de la diversité, « connaître d'autres jeux amoureux ». Une hypocrite insinue : « Ça va m'enrichir. J'en ferai profiter mon mari. » « S'il ne se rend compte de rien, c'est un cas désespéré », lance sa voisine au milieu des rires.

Les raisons ne manquent pas qui conduisent à prendre un amant. Raisons classiques ? Peut-être, mais l'attitude est nouvelle. Aujourd'hui, les femmes infidèles ne portent plus ce poids de culpabilité qui pesait malgré tout sur leurs mères. Il est vrai que les risques sont moindres. Depuis 1975, les époux adultères sont égaux devant la loi. Avant cette date, l'infidélité féminine était un délit en toute circonstance ; tandis que l'infidélité masculine n'était un délit que lorsqu'elle était commise au domicile conjugal. Cette discrimination a disparu : désormais, l'adultère n'est plus un délit du tout. En matière civile, par ailleurs, l'infidélité n'est plus considérée comme une cause « péremptoire » de divorce mais comme un grief parmi d'autres ; qu'elle soit le fait de la femme ou du mari, elle est jugée de la même manière et ne pèse pas lorsque le problème se pose de savoir qui gardera les enfants. Seconde et considérable nouveauté, l'arrivée de la pilule, qui permet aux femmes de maîtriser leur contraception et de choisir, en fait, le père de leurs enfants. Mais les femmes font peu de cas du droit, et elles ne parlent pas, ou peu, de la liberté que leur offre la contraception. Sujet trop grave pour qu'on en batifole.

Non, ce qui les amuse, ce qu'elles revendiquent, c'est de pouvoir choisir, mener leur vie amoureuse à leur gré, jouir complètement de leur liberté nouvelle, sans pour autant faire souffrir autour d'elles. Bref elles veulent se conduire... comme les hommes l'ont fait pendant des siècles. Amants d'un soir choisis puis rejetés, amants dont on compare entre filles les qualités, liaison cachée, double vie, mais en gardant une distance, en séparant amour et sexualité... comme le font les hommes. « Après tout, dit l'une, on a eu la pilule, la liberté, l'égalité dans le travail, l'indépendance financière, la parité... pourquoi pas la liberté en amour et en sexualité ? »

Ces amants occasionnels, où les rencontrent-elles ? « A la gym ! », lance une grande fille bien découplée. « Au bureau, on rentre de vacances, on regarde autrement un collègue bien bronzé... » De fait, Violette Gorny le confirme, les ruptures pour cause d'infidélité ou de coup de foudre ont surtout lieu en septembre, au retour de vacances trop platement familiales. Mais l'amant idéal, c'est l'amant de colloque, de séminaire ou de voyage d'affaires. « Je vois une femme qui voyage beaucoup pour son travail, une battante. Elle a 30, 40 ans. Elle est jolie et élégante. Un jour, elle craque pour un type. Elle se dit : “Pourquoi pas lui ? Ça ne remet pas en cause mon mariage. Je prends du bon temps. C'est juste sexuel...” » Il faut croire que Victoria sait de quoi elle parle : mariée, consultante en gestion, elle avoue beaucoup pratiquer l'amant d'un soir, dont rien n'interdit de faire ensuite un ami. Mais attention, pas plus. Pas question de s'attacher, encore moins de tomber amoureuse. Le bon amant occasionnel est à consommer vite, avant la date de péremption. L'idéal étant celui qui passe, bouleverse le coeur et reprend, tristement, la route de Madison. En ne laissant derrière lui que des souvenirs heureux, enfouis au fond d'un coffre.

Souvenirs, vous avez dit souvenirs ? Attention, danger. Car la question posée par les magazines féminins « Etes-vous prête à tromper votre conjoint ? » ne signifie pas du tout « Etes-vous prête à le quitter ». Donc prudence. Les hebdos feminins, à la pointe du combat, mènent depuis quelque temps une véritable campagne d'information- prévention sur la bonne pratique de l'adultère et le bon usage des amants qu'on prend pour passer le temps : ne changez pas trop vos habitudes, votre coiffure, votre style, c'est suspect (« Tu aimes le foot, maintenant ? »). Sachez que l'adultère demande quelques loisirs ou une organisation en béton (dans un sondage récent, 5% des sondés avouaient ne pas tromper leur conjoint par manque de temps). Et préparez-vous des alibis plausibles. Enfin, comme le diable est dans les détails, achetez-vous un portable, installez un code d'accès sur votre ordinateur, veillez aux reçus de carte Bleue (la facture « cravate soie » estampillée Hermès est un indice fatal), faites disparaître tickets de parking et contraventions (« Trois heures au Trocadéro avant-hier, pourquoi ? »). Les hommes, rompus à ces exercices, le savent bien : l'adultère n'est pas de tout repos. Il faut le gérer avec doigté, rigueur et prudence. Celles qui ne sont pas douées auront recours au livre de Jacqueline Raoul-Duval, « le Charme discret de l'adultère » (l), véritable code de bonnes manières des amours secrètes. Les autres improviseront.

Les femmes apprennent vite. Pourtant, la nouvelle « macho attitude » n'est pas encore rodée. Incorrigibles romantiques, les nouvelles amazones dérapent parfois vers... l'amour. L'amour pour l'amant, évidemment. D'où complications, drames, divorces en chaîne. Là où l'homme refuse de voir, de savoir, en tout cas s'accommode de bien des choses pour garder son confort, la femme fonce et rompt. 80% des divorces sont demandés par les femmes, trop impulsives ou trop exigeantes, qui veulent « refaire leur vie ». Au risque de retomber dans le mariage et la routine qu'elles ont voulu fuir...

Erreur de débutantes. Si l'on en croit « Marie-Claire », l'amant parfait est l'amant-bouée de sauvetage. Pour sauver quoi ? Le couple, valeur montante malgré les apparences, en ces temps incertains. Le concept est paradoxal mais simple : avoir mari et amant, la solidité du mariage et les délicieux frissons de l'adultère, jouer sur les deux tableaux en toute impunité (car il est indispensable de garder le plus grand secret), semble bien être la dernière configuration à la mode. Arguments pour : « On n'a que les bons côtés de l'amour. Un amant ne râle pas, il n'est pas malade, il est toujours beau et toujours disponible. Il est mon antidépresseur, mon Prozac. On se complète, on s'amuse ensemble. Il m'apporte des satisfactions qui ne sont pas uniquement sexuelles... En fait il me permet de supporter mon mari. » (Paris). Argument contre : « Il faut être super-organisée et très forte pour assumer une double vie sans faire souffrir personne. » Conclusion presque unanime : le jeu n'est pas simple mais il en vaut la peine. « Vivre ainsi demande de l'audace, mais je me sens tellement vivante », dit Laura. « J'ai l'impression de vivre non pas une double vie, mais de vivre doublement », ajoute une autre. Une autre encore : « Après tout, qu'est-ce que c'est la fidélité ? Je suis fidèle aux deux, à mon mari et à mon amant. »

Qu'on ne s'y trompe pas. Malgré la présentation qu'en font les magazines féminins, ce nouvel art d'aimer ne relève pas d'une thérapie au même titre qu'une cure de thalasso. Ce nouveau trio amoureux, la femme, le mari et l'amant, n'a rien à voir non plus avec le vaudeville classique ni avec le modèle bourgeois du XIXe siècle. Il en est même l'inverse. Aujourd'hui la femme ne subit plus cette situation autrefois imposée par la bienséance ou par la nécessité de rester auprès d'un mari qui la faisait vivre. Aujourd'hui, c'est elle qui choisit et parfois impose cette nouvelle façon d'aimer. Il s'agit bien d'un nouveau rapport de forces dans le jeu amoureux, d'une nouvelle donne des rapports hommes-femmes. La preuve : on rencontre maintenant des hommes qui vivent « Backstreet » au masculin, des amants auxquels la femme de leur vie dit : « Comprends-moi, je ne peux pas quitter mon mari. D'ailleurs, il n'y a plus rien entre lui et moi, nous faisons chambres à part. Mais les enfants, tu comprends... Alors plus tard, peut- être... »
« Cela m'est arrivé, confie Paul. C'est insupportable ! Je sortais avec une femme qui avait sa vie. Pendant qu'elle assistait à ses colloques, je restais caché dans sa chambre d'hôtel. Je me sentais humilié, frustré, blessé. » Jean-Marc, 42 ans (lu dans « Biba », novembre 1998) : « Je ne peux jamais téléphoner chez elle, il arrive qu'elle m'appelle et raccroche en plein milieu d'une conversation parce qu'un de ses enfants ou son mec déboule. Il y a des moments où j'ai le sentiment d'être un Monsieur Plus dont finalement on peut se passer... Je n'assume pas du tout mon rôle d'amant d'une femme mariée, je le trouve humiliant. Alors je n'en parle pas et moi aussi je la cache. » La même aventure de l'amant « à vie » a fait le succès de « Longtemps », d'Erik Orsenna.

Les hommes sont troublés. On le serait à moins. Mais enfin, demandent-ils, qu'est-ce qu'elles veulent ? Qu'attendent-elles de nous ? « Celles qui choisissent le mari et l'amant veulent, en fait, revenir au modèle de l'amour courtois du Moyen Age, assure Annik Houel, auteur d'une étude passionnante sur « l'Adultère au féminin » (lire l’encadré ci- dessus ). Un Moyen Age beaucoup moins archaïque qu'on ne le croit : la femme mariée avait des droits - elle gardait son nom de jeune fille, sa dot, une autonomie juridique par rapport au père et au mari. Elle pouvait exercer tous les métiers et étudier à l'université, elle jouissait d'une relative liberté liée à la tradition celte. Surtout, les relations amoureuses obéissaient à la « courtoisie » - c'est-à-dire un modèle où la femme, toujours mariée, pouvait exprimer librement ses désirs et les satisfaire avec un « doux amant ».

De quoi faire rêver, peut-être, nos amazones modernes. Mais les hommes d'aujourd'hui se reconnaîtront-ils dans ce partage des tâches entre le mari et l'amant tout dévoué à sa dame ? On voit bien que l'infidélité au féminin, dans ses revendications multiples, traduit un vrai malaise. Les femmes, en fait, ne savent pas comment concilier leur liberté nouvelle et leur besoin de sécurité, leurs pulsions aujourd'hui reconnues et le désir d'un couple fusionnel, l'amour et la durée. Elles voudraient un mari-amant, et la liberté en prime. Elles attendent des hommes qu'ils soient virils et féminins, protecteurs et fragiles. Pour assurer, messieurs, il va falloir jouer serré. Mais la fin de la guerre des sexes est peut-être à ce prix.

JOSETTE ALIA (source nouvel observateur)

L’amour n’a pas d’importance, ce qui compte c’est le foudroiement de la rencontre.

Des mille et une rencontres

A 15 ans, Séverine a eu son premier amant, Antoine, superbe géant blond que toutes les filles lui enviaient. Mais Séverine n'était pas amoureuse du Viking. Pour se prouver que son coeur était libre, elle a trompé Antoine, discrètement. Puis elle a recommencé, et elle ne s’est plus arrêtée. A 30 ans passés, rangée depuis peu des aventures à la douzaine, Séverine tente aujourd’hui une explication : « L'esthétique masculine m’a toujours fascinée. J'aimais la compagnie des beaux garçons. Le plus simple, c'était encore de coucher avec eux.

Après Antoine, trois fiancés en titre se succèdent dans la vie de Séverine - et des dizaines de beaux garçons dans son lit. « Je
cherchais vraiment à être amoureuse de mon fiancé. Mais très vite il m’ennuyait. » La belle inconstante s’arrange pour ne blesser personne. Elle passe pour une jeune fille sage, fiancée depuis des années, et qui ne pense qu’à ses études d’économie. On met sur le compte de sa réserve son insistance à vivre seule. Personne ne connaît la face cachée de Séverine : l’aventurière, la tombeuse qui multiplie les conquêtes, et qui les abandonne sans pitié.
Rien à voir, pourtant, avec le tableau de chasse et les « mille e tre » de Don Giovanni. Ce n’est pas le manque, la pulsion nymphomaniaque qui anime Séverine. « Sous ce papillonnage, il y avait un idéalisme amoureux échevelé : quand la quête de l’amour confine au sacré, elle justifie toutes les libertés. » La méthode, c’est l’affût. Une chasse de dilettante, très codée, qui ne s’intéresse qu’au gibier de choix. « Ce qui me plaisait le plus, c’était le moment magique où “ça ferrait”. S’il n’y avait pas cette étincelle-là, je laissais tomber. » Exclus, les précieux qu’il faut séduire de haute lutte. Recalés aussi, les lents, les maladroits, les niais qui lui servent bêtement le rituel du flirt. Pour Séverine, la rencontre devait être immédiate, souveraine, quasi extatique. Tout passait très vite aussi Parfois, un petit béguin s’installait. Je cassais le roman, même quand ça faisait mal. C’était la règle. Elle était une chasseresse. Son coeur devait rester de marbre.A l’époque, l’amour pour moi c’était ça : un acte libre, gratuit, qui ne créait pas de liens et menait à une rupture propre.

Le coeur fermé, elle refuse également l’abandon des sens. Je ne cherchais pas même le plaisir, le pur miroitement de l’image me suffisait. J’étais complètement à côté de la plaque. Je comprends maintenant pourquoi certains commentateurs ont vu dans Don Juan la figure paradoxale d’un impuissant... Aujourd’hui, elle peut admirer l’intense, l’absurde stratégie qu’elle a si longtemps déployée pour éviter l’amour tout en le provoquant sans cesse. Elle en était bel et bien prisonnière. Mon truc, c’était le miroir aux alouettes : tous ceux qui ont cru m’avoir parce qu’ils couchaient avec moi se sont vite aperçus qu’ils n’avaient rien du tout. Leur victoire se confondait avec leur défaite... Surtout, cultiver son indépendance entre deux portes dans les bras des apollons de passage mène à tout... sauf à l’indépendance. A l’approche de la trentaine, Séverine entreprend de se libérer de ce qui est devenu à ses yeux une véritable addiction. Elle déménage, accepte un poste absorbant de consultante dans un cabinet international. Et dans la foulée elle quitte son jules, cet alibi qui justifiait ses vagabondages tout en les vouant d’avance à l’échec.
Pour que cesse le petit jeu monotone de qui-gagne-perd, encore fallait-il qu’un jour quelqu’un déjoue le piège de cette femme trop offerte. « J’ai rencontré Gabriel. Le regard, l’étincelle, la grâce, tout y était. Sauf que ce beau garçon-là ne s’est pas jeté sur mon miroir aux alouettes. » Est-ce enfin l’oiseau rare ? Avançant à pas de Sioux, Gabriel tisse autour de Séverine une relation aussi intense que désincarnée. Au bout d’une grande année, il passe enfin à l’acte. Comme à l’accoutumée, Séverine livre son corps pour mieux soustraire son coeur et tente rapidement de rompre. « J’ai essayé. C’était trop tard. Je ne pouvais plus me passer de lui. » Alors, fini les caprices d’une nuit, les fulgurances sans lendemain ? Séverine acquiesce d’un sourire : « Sauf quand on s’engueule : en rêve, je suis encore capable de toutes les infidélités. »

L’INFIDÉLITÉ DES ADOLESCENTES

Coeur fidèle, corps volage

Elles cachent bien leur jeu, les adolescentes. A les entendre, elles plébiscitent l'amour, le grand, celui qui justifie tous les engagements et toutes les exclusives. Malheureusement, soupirent-elles en choeur, les garçons, eux, ne pensent qu'à coucher. » Questionnez-les sur leurs fréquentations amoureuses, elles en déclarent pudiquement beaucoup moins que leurs camarades masculins. « Les garçons tendent à gonfler le nombre de leurs conquêtes et comptent le moindre flirt », explique la sociologue Florence Maillochon, qui a fait sa thèse à l'Ehess sur « l'élection des partenaires » chez les 13-18 ans. « Les filles, elles, ont des critères très fins : durée, intensité... Elle réfléchissent des heures avant de répondre, minimisent les incartades et ne comptent que les relations investies affectivement. Il semble bien que ceux qui en font le moins s’en vantent le plus. » Pour en avoir le coeur net, Florence Maillochon a tendu un piège statistique : il s'agissait non plus de donner un chiffre global, mais de marquer sur un calendrier, mois par mois, les noms des différents partenaires. Résultat : 19% des garçons citent deux noms ou plus dans le même mois ; pour 36% des filles !
Alors, deux fois plus volages, les filles ? Pour Hugues Lagrange (1), auteur d'une enquête récente sur les comportements amoureux des 13-18 ans, ce chiffre est dû avant tout à un paramètre technique : « Les relations des garçons durent chaque fois si peu qu'ils n'ont matériellement pas le temps d'en mener deux de front, explique le sociologue. Les filles sortent avec des garçons plus vieux et restent plus longtemps en couple : en moyenne deux fois plus longtemps que les garçons de leur âge. » Ce qui multiplie logiquement par deux la possibilité d'empiétement des relations.
Surtout l'infidélité ne signifie pas la même chose pour les ados et pour leurs parents baby-boomers. Il ne s'agit pas là d'hypocrisie. La fille qui craque pendant les vacances, loin de son petit copain chéri, ne se sent pas infidèle. « A cet âge, la sexualité est dissociée du sentiment. Il arrive souvent qu'une fille couche pour perdre sa virginité ou pour faire comme les copines. Mais elle a un amoureux “vrai” avec lequel elle n'a échangé que des baisers... Les petites histoires ne font pas le poids face à ce “grand” amour, dût-il ne durer que quelques mois. »
La multiplicité des partenaires, admise par 60% des ados, n'exclut pas une écrasante exigence de monogamie sentimentale. « Plus tard, une femme peut être déchirée entre deux amours. A 15 ans, une fille n'aime qu'un garçon à la fois. » Plus encore que la fidélité du coeur ou du corps, les ados valorisent la confiance. Les filles surtout, explique Hugues Lagrange, parce qu'elles aspirent au dialogue intime où elles dévoileront leur intériorité, exigent l'absolue loyauté de leur amoureux-confident. « Le plus grave n'est pas une infidélité passagère. Celui qui viole le secret de la confidence et rend public ce qui a été confié sous le sceau de la confiance, celui-là commet la trahison suprême.

Samia, 41 ans, juriste

Tout le monde le fait, tout le monde le sait, et alors !

C'est vrai, j'ai eu plusieurs aventures depuis mon mariage, mais je considère qu'aucune d'elles n'a eu de conséquences sur mon couple. Ce sont des “coucheries”. Point. Mon mari travaille beaucoup, moi aussi. Nous avons peu de temps l'un et l'autre, alors nous nous offrons des petites bulles de détente. Je pense qu'il fait la même chose, mais nous n'en parlons jamais. Par respect mutuel. J'aime mon mari et je pense que lui aussi est très attaché à notre couple, à nos filles. Je ne vais pas lui raconter que j'ai couché avec un confrère lors du dernier séminaire à Mexico City. Ça n'a aucune importance. C’est une récréation. C'est un classique, les séminaires. Tout le monde fait la même chose, tout le monde le sait, et alors ! Si la nuit du séminaire se prolonge un peu plus, on avisera.

Amélie, infirmière, 46 ans

C’est comme ça qu’il a su

Mon mari, je n'ai rien à lui reprocher. Il me donne tout mais j'ai besoin d'autre chose. J'étouffe. J'ai essayé à plusieurs reprises de lui en parler, mais il ne me prend pas au sérieux. Quand on est infirmière dans un hameau comme le nôtre, on est très en vue. Et si vous allez faire une piqûre chez le fils Machin et que vous restez à peine plus longtemps que d'habitude, ça jase. J’avais un amour de lycée, Pierre, que j'ai revu par hasard il y a trois ans lors d'une visite en ville. Il était de passage chez des amis. On s’est vus, revus et revus encore. Un soir en rentrant, mon mari était très content de me voir. Il m'a dit : “Je me faisais du souci, avec l'incendie, t'as vu ?” Sans réfléchir, j'ai répondu : “Quel incendie ?” C'est comme ça qu'il a su.

Nouvel Observateur - N¡1815
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