L'infidélité conjugale, genre et sexualité

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Re: L'infidélité conjugale, genre et sexualité

par Sans Prétention » jeu. 20 févr. 2020 20:15

Mitsou78 a écrit : jeu. 20 févr. 2020 12:12 A cette lecture, j'en conclue donc que l'infidélité relève de l'acte sexuel, qu'il soit ou non accompagné sentimentalement.
Je suis pas sûr.
Ce qui est affirmé c'est que dans le cadre de cette étude précise on balise la définition à ce cas-là, les autres n'étant pas étudiés (parce que plus difficiles à "objectiver" tellement c'est le bordel).

Toute la démonstration ne vaut donc que pour l'orientation choisie.
Dans la mesure où toute tentative de définition engage une certaine part de subjectivité, il ne saurait être question d'imposer une définition de l'infidélité comme étant meilleure qu'une autre. Néanmoins, afin d'obéir à l'impératif de délimitation de l'objet propre à toute recherche, nous nous sommes dotés d'une définition, certes partielle, mais qui a le mérite de reposer sur des critères objectivables.
Après on peut faire l'hypothèse que ça s'applique ailleurs mais en restant prudent.

Re: L'infidélité conjugale, genre et sexualité

par Mitsou78 » jeu. 20 févr. 2020 12:12

A cette lecture, j'en conclue donc que l'infidélité relève de l'acte sexuel, qu'il soit ou non accompagné sentimentalement.
Les seuls sentiments cachés envers une tiers personne ne sont pas qualifiés d'infidélité mais néanmoins sont formellement blessants et destructeurs. Comment en ce cas les qualifier ? Tromperie ?
Une tromperie ne relèverait cependant pas de l'infidélité.
Une tromperie peut-elle être aussi traumatisante qu'une infidélité ?
On ne peut clairement pas qualifier de tromperie, encore moins infidélité, un échange intime entre deux personnes. Pourtant celui-ci est souvent perçu comme tel par la personne du couple qui la découvre parce qu'il lui est caché et implique un investissement sentimental à se découvrir.
Hors qualification, tout ne peut l'être, il s'avère que ces "écarts" ou "actions" génèrent chez la personne qui s'estime lésée un doute, un désir de vengeance, une dévalorisation qui à son tour peut mener jusqu'à l'infidélité vengeance, à mon sens accompagnée de compensatrice. Complexe.
Un homme et une femme dans un même lit, sans contact, qui échangent et dorment ensemble, doivent-ils être considérés comme infidèle à leur partenaire officiel ? Selon la définition non, puisque pas d'acte sexuel. Trompeur ?
Ce qui est certain c'est que cette situation laissera quand découverte dans le couple officiel une séquelle indélébile pouvant encore amener à l'infidélité.

:kelkon: :kelkon: :kelkon:

L'infidélité conjugale, genre et sexualité

par Sans Prétention » jeu. 16 janv. 2020 16:08

L'infidélité conjugale, genre et sexualité

L'infidélité est omniprésente, tant dans la littérature, le théâtre ou le cinéma, que dans les médias, écrits et audiovisuels. La prolixité du discours commun ne manque pas de contraster avec l'apparente indifférence des sociologues à son égard, ainsi qu'avec la quasi-inexistence, en France, d'études un tant soit peu fouillées sur le phénomène. Loin d'être une donnée naturelle ou biologique, l'infidélité est bien sûr d'abord un phénomène social, et la manière dont elle est perçue, pratiquée et vécue ne peut se comprendre qu'en référence à un contexte socio-historique et culturel donné.

Les récentes mutations socioculturelles et familiales de la société française n'ont pas manqué d'en redéfinir les représentations et les significations. Le sujet doit désormais être appréhendé à la lumière d'une nouvelle donne liée à l'évolution des normes en matière sexuelle et conjugale, mais aussi des rapports de sexe. La notion ancienne d'adultère, traduisant une norme culturelle, sociale et religieuse intangible, a cédé la place à la notion d'infidélité ; le comportement visé est moins dénoncé comme une faute ou un péché, qu'évalué à l'aune des conséquences qu'il peut avoir sur un couple au fonctionnement plus relationnel et égalitaire qu'autrefois.

De fait, malgré le desserrement des contraintes institutionnelles, la fidélité conjugale n'a jamais été autant plébiscitée qu'aujourd'hui, comme en témoigne par exemple, la dernière vague, en 2008, de l'«enquête sur les valeurs des Européens ». Considérée comme le premier facteur de réussite d'un couple, la fidélité est estimée comme «très importante pour contribuer au succès d'un mariage » par 84 % des personnes interrogées en France (contre 72 % en 1981) (Bréchon, Tchernia, 2009). De surcroît, elles sont plus intransigeantes qu'hier à l'égard de l'adultère. Alors qu'elles affichent une tolérance croissante à l'égard de nombre de conduites liées au sexe et à la mort (prostitution, homosexualité, suicide, euthanasie), la question de l'infidélité fait figure d'exception (Ibid.).

Pour autant, l'infidélité continue à faire partie du répertoire des comportements contemporains, mais assurément pas dans les proportions complaisamment diffusées par certains médias qui affirment, sans la moindre source, qu'un homme sur deux et une femme sur trois est infidèle. En effet, selon la dernière grande enquête nationale sur la sexualité des Français (Bajos, Bozon, 2008), menée en 2006 auprès d'un échantillon de 12 364 personnes, seuls 0,6 % des femmes et 1,2 % des hommes qui vivent en couple déclarent avoir eu leur dernier rapport sexuel avec une autre personne que celle qui partage leur vie. Par ailleurs, ils ne sont respectivement que 1,7 % et 3,6 % à déclarer un autre partenaire sexuel que leur conjoint(e) dans les 12 derniers mois.

Au-delà de ces données statistiques, bon nombre de questions se posent. Comment définir l'infidélité aujourd'hui ? Qui sont les infidèles ? Pourquoi et comment sont-ils infidèles ? Existe-t-il des différences entre hommes et femmes ? Quelle place occupe la sexualité dans le processus qui mène à l'infidélité ? Autant d'interrogations, aux réponses non assurées, qui nous ont amené à réaliser une recherche sociologique de type qualitatif (Le Van, 2010) dont l'objectif a été de cerner les formes et les significations de l'infidélité conjugale contemporaine, en explorant la perception et le vécu qu'en ont ceux-là mêmes qui s'y sont aventurés.

Comment définir l'infidélité ?

La problématique de l'infidélité n'ayant guère été interrogée par les sociologues, elle apparaît comme un vaste champ à débroussailler. Pour le chercheur qui souhaite l'explorer, nombre de difficultés se posent, et en particulier celle de la définition du concept. Il ne saurait en effet être question d'oublier que, dans les consciences individuelles, l'infidélité se conjugue au pluriel.

De nos jours, l'envergure sémantique du vocable d'infidélité conjugale s'est considérablement accrue. Sa définition renvoie notamment à deux registres distincts. D'une part, celui de la référence : à qui ou à quoi est-on fidèle ou infidèle ? A l'autre, à un code moral, à soi-même ? D'autre part, celui des contours du comportement ainsi qualifié. Il s'agit alors de délimiter les frontières entre fidélité et infidélité, et de savoir où commence l'infidélité. Est-ce par l'acte sexuel, le désir, la pensée, le sentiment, ou encore le mensonge ?

La fidélité peut être aussi bien définie en termes d'exclusivité de relation physique qu'en termes d'exclusivité sentimentale. Lorsqu'elle est de nature sexuelle, l'infidélité est manifestement plus aisée à définir par des critères objectifs que lorsqu'elle relève des sentiments, des pensées, de la tendresse amoureuse ou du désir. Comment délimiter en effet une infidélité psychique ou fantasmatique ? Autant des déclarations et des mots d'amour ou de désir peuvent être interprétés comme une infidélité ou une trahison, autant certaines conversations intimes sont plus difficiles à catégoriser. Est-ce une infidélité de confier à un tiers ses peines ou ses secrets, spécialement quand on ne les a pas révélés à son partenaire ? Enfin, est-ce une infidélité de fantasmer une relation sexuelle ou affective avec un tiers ?

Dans la mesure où toute tentative de définition engage une certaine part de subjectivité, il ne saurait être question d'imposer une définition de l'infidélité comme étant meilleure qu'une autre. Néanmoins, afin d'obéir à l'impératif de délimitation de l'objet propre à toute recherche, nous nous sommes dotés d'une définition, certes partielle, mais qui a le mérite de reposer sur des critères objectivables.

La recherche est centrée sur une population d'infidèles définis comme suit : des hommes et des femmes âgés de 18 ans et plus, vivant (ou ayant vécu) en couple hétérosexuel, ayant (ou ayant eu) volontairement des relations sexuelles extraconjugales avec un(e) partenaire, à l'insu et contre le gré de leur conjoint(e) ou compagnon (compagne). Par relation sexuelle, nous entendons un «rapport sexuel complet ». Cette distinction mérite d'être soulignée, les individus ayant des définitions différentes de ce que recouvre le terme de rapport sexuel. En précisant que les relations extraconjugales se font «à l'insu et contre le gré » du partenaire officiel, nous excluons de notre recherche les couples «libres » ou les couples pratiquant l'échangisme qui, au demeurant, ne se considèrent pas comme infidèles. Par ailleurs, nombre de travaux ayant déjà été menés sur la question de l'exclusivité sexuelle au sein des couples gays, nous avons limité nos investigations aux couples hétérosexuels. Enfin, nous nous sommes intéressés aux couples cohabitants, qu'ils soient mariés ou non.

C'est en référence à cette définition minimale que nous utiliserons le terme «infidèle ». Toutefois, nous sommes conscients que celui-ci est, au niveau du sens commun, empreint d'un certain moralisme. Aussi emploierons-nous accompagné de guillemets, afin de bien signifier qu'il désigne une situation donnée, sans aucune intention de porter un quelconque jugement de valeur.

Les différents types d'«infidélité»

(...)

Au risque de décevoir les inconditionnels du déterminisme, l'hétérogénéité de notre population voue donc à l'échec toute tentative visant à dresser un profil unique de l'«infidèle ». Toutefois, afin de réduire cette diversité phénoménale à un énoncé lisible et synthétique, nous avons tenté d'élaborer une typologie des différents «infidèles » que nous avons rencontrés, c'est-à-dire un modèle explicatif basé sur des critères distinctifs des personnes interviewées.

Par-delà la singularité de chaque expérience, deux logiques contrastées semblent structurer la diversité des comportements qui oscillent ainsi entre deux grands pôles distincts d'«infidélité » que nous avons respectivement nommés infidélité relationnelle et infidélité personnelle . L' infidélité relationnelle dérive d'une insatisfaction conjugale, et se comprend donc en référence à la problématique du couple. En revanche, non directement articulée au vécu conjugal, l'infidélité personnelle s'explique plutôt en référence à la trajectoire et à la personnalité de l'«infidèle ».

Si cette césure majeure permet en première approche d'esquisser le tableau très contrasté de l'infidélité contemporaine, il existe, entre ces deux pôles, un large éventail de situations au sein duquel se dessinent 4 visages distincts d'infidélité, certains se déclinant eux-mêmes selon plusieurs registres qui constituent autant de «sous-types » correspondants. La structure de notre typologie se présente donc comme suit :


L'infidélité relationnelle


Dans le premier type, l'infidélité résulte d'une insatisfaction d'ordre intime. La thématique du «manque » revient de façon récurrente dans les discours, qu'elle soit relative à la sexualité, à la communication, à une divergence d'intérêts ou encore à l'intensité des sentiments qui s'émousse. Si les motifs de discorde sont divers et variés, tous les individus de ce type ont cherché à combler les carences ressenties dans leur relation officielle, en s'investissant, à divers degrés, dans une relation complémentaire et compensatrice. Ces «infidèles » vont en somme chercher ailleurs ce qu'ils ne trouvent pas, ou plus, dans leur vie de couple.

Ce type d'«infidélité » peut prendre différentes formes. Lorsque les individus, momentanément fragilisés par leurs déboires conjugaux, nouent ponctuellement une relation extraconjugale, on a affaire à une infidélité faux-pas. Lorsqu'ils sont pleinement impliqués dans la vie du couple, notamment en raison de la présence d'enfants, mais que l'insatisfaction éprouvée devient insupportable, ils s'engagent alors plutôt dans l'infidélité compensation , une relation extraconjugale qui est susceptible de durer dans la mesure où elle contribue à pérenniser leur union principale. Quand enfin s'investir dans le couple n'est plus d'actualité et que la rupture se profile, c'est l'infidélité par désamour qui a tendance à primer.

Dans le deuxième type, féminin à la lumière de notre corpus, l'infidélité est instrumentalisée ; elle a pour fonction, soit de provoquer la rupture avec le partenaire principal (infidélité prétexte ), soit de se venger de l'«infidélité » de ce dernier (infidélité vengeance ), soit encore d'échapper à sa condition. Dans ce dernier cas, les femmes recherchent dans la relation extraconjugale un espace de liberté et de valorisation d'elles-mêmes, voire un moyen de côtoyer un milieu social plus favorisé que le leur.


L'infidélité personnelle


Le troisième type, l'infidélité expérience , concerne quant à lui des jeunes gens qui, précocement investis dans une relation de couple exclusive, éprouvent le besoin de faire d'autres expériences pour se construire.

Enfin, l'infidélité comme composante ' normale ' de la vie en couple regroupe des individus qui, bien que pleinement satisfaits de leur vie conjugale, multiplient les aventures extraconjugales, le plus souvent éphémères. Toutefois, un distinguo peut être opéré entre ceux pour lesquels la recherche compulsive de partenaires est imputée à des comportements «maladifs » (infidélité chronique), et ceux pour lesquels cette quête incessante est revendiquée au nom d'une philosophie de vie hédoniste et de la place primordiale qu'occupent la sexualité et la séduction dans la construction de soi (infidélité comme principe ).

La sexualité : un rôle à nuancer

Cette typologie, basée sur les raisons des relations extraconjugales, montre que les significations de l'infidélité contemporaine sont diverses et variées, celle-ci n'étant pas réductible à la satisfaction d'un besoin purement sexuel ou à une insatisfaction conjugale, puisqu'elle réfère parfois aux seules caractéristiques individuelles de ceux qui s'y adonnent. Reste que l'infidélité continue à s'inscrire dans des engagements et des cadres très différents selon le sexe. Un fait qui tient pour partie à la façon dont hommes et femmes appréhendent le clivage sexe/sentiment et à la place plus ou moins importante qu'ils accordent à la sexualité dans la construction de soi. Les premiers développent plus souvent une orientation individuelle de la sexualité, tandis que les secondes privilégient sa dimension conjugale.

De fait, si la sexualité sans amour apparaît socialement plus acceptable qu'autrefois, elle est encore rarement pratiquée par les femmes et s'inscrit, le plus souvent, dans un contexte particulier ou «marginal » de leur biographie sexuelle. C'est le cas des femmes relevant de l'infidélité vengeance ou prétexte qui, dans ce contexte précis, cherchent à vivre une «aventure sans lendemain ». Elles s'autorisent alors ce qu'elles conçoivent comme une «parenthèse » dans leur vie sexuelle. En revanche, pour les femmes, au demeurant peu nombreuses, relevant des types de l'infidélité chronique et par principe, il est relativement fréquent de «faire l'amour sans amour ». Pour elles,comme pour leurs homologues masculins, la traditionnelle alchimie qui ne peut concevoir le sexe sans sentiment semble obsolète. Si elles paraissent assumer cette composante de leur sexualité, voire la revendiquent, les origines de ce comportement réfèrent néanmoins à une biographie amoureuse et sexuelle particulière. Après avoir subi des rapports sexuels forcés durant leur adolescence, toutes ont connu une grande histoire d'amour déçu, dont elles entretiennent encore la nostalgie. C'est semble-t-il ce double «désenchantement » qui leur permet d'envisager le rapport sexe/sentiment différemment des autres femmes.

Les hommes, quant à eux, cultivent plus communément la sexualité sans amour. Les entretiens révèlent par ailleurs qu'ils sont beaucoup plus prolixes que les femmes quand il s'agit d'évoquer leur insatisfaction sexuelle au sein du couple. Sans doute cette différence tient-elle pour beaucoup au fait que «le désir masculin a plus de droit à s'exprimer, ou de légitimité, que le désir féminin » (Bozon, 1998 : 229). Il semblerait donc bien que la moindre plainte sexuelle des femmes doive être nuancée. Il n'en demeure pas moins que, contrairement aux femmes, les hommes n'hésitent pas à aborder crûment les détails de l'acte sexuel, et notamment à discourir sur la question des «techniques amoureuses ». «La sexualité avec X, c'était bateau. Elle suçait mal, déjà », déclare par exemple l'un d'entre eux.

Si les femmes évoquent plutôt la différence entre leur sexualité conjugale et sexualité clandestine en termes de tendresse ou d'intensité de l'acte amoureux, les hommes le font surtout en termes de répertoire des pratiques sexuelles. Nombre d'entre eux soulignent ainsi leur incapacité à s'adonner avec leur conjointe, qu'ils désignent alors comme la «mère de leurs enfants » ou «la femme qu'ils aiment », à certaines pratiques sexuelles, qu'ils «réservent » à leurs ébats extraconjugaux. Ces enquêtés font du respect qu'ils portent à la femme qui partage leur vie un frein à «la satisfaction de leurs pulsions sexuelles » : «Il y a ce grain de folie qui est là en permanence parce qu'on n'est pas ensemble véritablement, donc on n'a pas de blocage, on se laisse aller. On n'a pas le sentiment de manquer de respect. Alors que dans la vie de couple, à certains moments, on peut avoir le sentiment de manquer de respect, si on est amoureux (...). La femme avec qui je vis, c'est avec elle que j'ai principalement envie de faire l'amour et je trouvais ça quand même bizarre de devoir aller ailleurs pour trouver la satisfaction à mes pulsions sexuelles. Et en même temps, après, c'est le jeu hein. Et puis les interdits tombent parce qu'on n'a pas le même rapport à la personne. Le soir, on se quitte, chacun rentre chez soi, et puis le lendemain, on se retrouve, on est tout neufs. Enfin, on s'est pas vus le soir en se couchant, on s'est pas vus le matin en se levant, donc je pense que ça induit aussi une certaine motivation à faire des choses qu'on n'a pas envie de faire ailleurs ».

Comme en témoigne cet extrait, ne pas vivre au quotidien avec sa partenaire extraconjugale facilite manifestement le fait de «se laisser aller ». Ce que confirme F. de Singly : «La sexualité est vécue de manière plus intense, plus heureuse, parce que l'amante y prend plus de plaisir que l'épouse, mais aussi parce que cette relation se situe en dehors des contraintes de la vie quotidienne. (...) Le temps passé avec l'amante est exempt de tout souci, retranché de la vie quotidienne. C'est une parenthèse, un monde à part qui existe parallèlement à une relation institutionnalisée, un ailleurs qui autorise souvent des transgressions, des jeux interdits avec le conjoint » (2000 : 203). Mais surtout, le distinguo opéré entre sexualité officielle et clandestine tient pour beaucoup à la façon dont garçons et filles ont été socialisés à l'amour et à la sexualité. Ainsi P. Bourdieu écrit-il : «A la différence des femmes, qui sont socialement préparées à vivre la sexualité comme une expérience intime et fortement chargée d'affectivité, (...) les garçons sont inclinés à 'compartimenter' la sexualité, conçue comme un acte agressif et surtout physique de conquête orienté vers la pénétration et l'orgasme » (1998 : 26).

Pour autant, on ne saurait réduire l'explication de l'infidélité conjugale au seul attrait du plaisir physique. Si celui-ci constitue parfois, en particulier chez les hommes, une des motivations premières au début de leurs relations extraconjugales, nombre d'entre eux finissent néanmoins par les investir affectivement. Il convient par ailleurs de souligner que les problèmes et les insatisfactions sexuelles au sein du couple apparaissent plutôt comme une conséquence, et non comme la cause du malaise conjugal. Loin de constituer le problème majeur, une sexualité peu épanouissante, voire défaillante, reflète généralement une insatisfaction qui réfère à un tout autre registre. Citons à cet égard un enquêté : «Pour moi, c'est quelque chose d'extérieur à la relation sexuelle qui créé une insatisfaction sexuelle. Je suis tordu peut-être, mais je fonctionne comme ça. Si j'ai un problème quelque part, je n'ai plus envie. Par exemple, j'en avais par-dessus la tête d'entendre X dire 'je vais au coiffeur'. Alors je lui ai dit : ' Attends , on va chez le coiffeur'. Alors après, c'était : ' Faut que j'aille au dentiste'. Et bien au bout d'un moment, moi, j'en ai marre d'une nana qui va au dentiste. Je peux plus. Alors c'est un exemple qui montre que quelque chose qui n'a rien à voir avec la relation sexuelle réagit sur la relation sexuelle , et puis de façon très très directe, enfin indirecte, mais très efficace en tout cas, dans le sens de l'inhibition ».

Si les difficultés sexuelles tendent à refléter des dysfonctionnements conjugaux d'un tout autre ordre, il n'en demeure pas moins qu'elles génèrent une insatisfaction supplémentaire, et contribuent à aggraver le malaise conjugal. Le même enquêté explique ainsi comment sa baisse de désir l'a conduit, selon un mécanisme qu'il qualifie d'«assez inexorable », à «une vie impossible » : «Il y a eu une évolution dans la décroissance parce que, vous savez bien, ça se passe bien si on en a envie. Et puis l'échec entraîne l'échec hein. C'est-à-dire que si ça se passe pas bien, le coup d'après, on se dit : 'Oh la la, ça va encore être la galère', et puis au bout d'un moment, ça se passe de moins en moins bien, c'est un mécanisme assez inexorable. Alors ça devient l'angoisse, même d'aller se mettre au lit. Alors je regardais la télé jusqu'à deux heures du matin hein. Je restais en bas parce que c'était l'angoisse d'aller me coucher. C'était la certitude que ça allait mal se passer. La vie devenait impossible. Alors ce qui est corollaire à ça, c'est qu'on se dit : 'Bon, je suis plus capable de rien', donc il faut se rassurer. C'est pour ça qu'on va ailleurs aussi ».

Ce dernier extrait montre bien que la sexualité extraconjugale peut procéder de la recherche d'une réassurance virile. Nombre d'entretiens masculins révèlent finalement que, derrière l'argument du manque ou de l'insatisfaction sexuelle, se profilent d'autres besoins et d'autres attentes, telles que la quête d'une certaine reconnaissance, d'un peu de tendresse et d'affection : «J'avais pas un manque sexuel, mais un manque de reconnaissance sexuelle, ce qui n'a absolument rien à voir. C'est-à-dire 'savoir que tu plais encore. Savoir que tu peux séduire. » ; «J'avais envie de sexualité, et surtout, j'avais envie de tendresse, j'avais envie qu'on m'aime un peu, j'avais envie de câlins ». Autant de propos qui témoignent que la sexualité révèle, et sert à la fois, des fins non sexuelles.


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